Obsküre- The Museum Of Human Happiness

THE LEGENDARY PINK DOTS: THE MUSEUM OF HUMAN HAPPINESS

Un album des Legendary Pink Dots s’appréhende avec un sens du sacré quand on est fan. Les autres regarderont ça avec un petit sourire en coin. La discographie d’Edward Ka-Spel est vertigineuse par le nombre. Et l’on sait aussi que chaque disque a son ambiance générale, ses tonalités ou couleurs et ses passages magnifiques sur lesquels on reviendra forcément, mais qu’il faudra dans un premier temps savoir repérer dans cet amoncellement sonore pour mieux les apprécier. Le dernier long format Angel In The Detail datant de 2019 (aussi chez Metropolis), on a eu plus de temps que de coutume pour approfondir. Nous sommes donc prêts pour de nouveaux titres.

La première pièce de ce cru 2022 est un long morceau hypnotique qui cache sous des travers prog une félicité new wave clinquante – digne de The Tower ou Any Day Now. Pourtant, pour avoir accès aux jolies pointes, il faut accepter les répétitions, les détails dysharmoniques qui louvoient. Le groupe s’amuse et refuse le tube propre qu’il sait écrire. “Cruel Britannia” épouse un rythme disco-rock gentiment brit-pop, mais sans refrain appuyé, perdu dans les souffles de fusées qui décollent et qui interrogent les atermoiements de la démocratie et de l’amour des autres. “Hands face Space” renoue également avec les volutes synth-wave primordiales, mais le canevas bifurque vite vers une psyché-folk progressive accrocheuse, mais en partie décevante.

La tonalité est introspective sur plusieurs titres, c’est-à-dire que la musique sert d’accompagnement à une prise de conscience (altérée) du leader et le suivre n’est pas aisé. Les fans du groupe le savent : “Cloudsurfer” ne survivra sans doute pas à ses trois écoutes polies : gonflée par le heavy sixties et les nappes kraut, la composition ne sait pas forcément où aller, mais elle trace une route psychédélique. “Postcards from Home” est bien plus pertinente, triste et mélancolique, sur un fond minimal-jazzy répétitif.

Les arrangements, heureusement, sont une force et beaucoup de fans aiment traquer les détails qui parsèment par touches les compositions. “Coronation Street” fait partie de ces pièces qu’il faut observer au microscope auditif. La voix mutine se promène dans un paysage chatoyant : oui, encore une fois, on peut songer à des trips liés à des hallucinogènes en écoutant les Pink Dots… On sait aussi que “Tripping on my Nightmares” deviendra un compagnon du soir, une fois sa montée saturée intégrée dans notre cerveau.

La voix trône, exigeante et toujours juvénile ; on l’apprécie particulièrement pour sa richesse sur le conte “The Girl who got there first”, même si ce titre manque aussi d’une stabilité. De nombreux samples font état de foules qui applaudissent ou crient, comme si la solitude liée au confinement devait se conjurer par la musique. “There be Monsters” narre ainsi de manière métaphorique l’invasion du virus dans un village, une submersion que le groupe a vécue en direct lorsqu’il a tourné pour ses quarante ans d’existence, gagnant chaque soir une nouvelle destination soumise peu de jours après à des interdictions. À l’opposé, la berceuse accompagnée de chants d’oiseaux et jouée au piano, “A Stretch beyond”, est un moment de calme ; moment doublé par la psalmodie au clavecin électronique qui finit l’album : “Nirvana for Zeroes” est un nouvel anthem du groupe, classique dans ses aspects maniérés et expérimentaux, long voyage en territoires baroques.

L’album selon Ka-Spel est conçu comme un bûcher expiatoire face à la folie humaine. “Nightingale” a cette dimension cérémonielle qu’on apprécie chez les Dots : intime et publique à la fois, un rituel proche de nous et pourtant élevé. Combien planeront une fois de plus ?


English:

A Legendary Pink Dots album is apprehended with a sense of the sacred when one is a fan. The others will watch this with a smirk. Edward Ka-Spel’s discography is dizzying in number. And we also know that each disc has its general atmosphere, its tones or colors and its magnificent passages to which we will inevitably come back, but which it will first be necessary to know how to spot in this sound heap to better appreciate them. The last long format Angel In The Detail dating from 2019 (also at Metropolis), we had more time than usual to deepen. So we are ready for new titles.

The first piece of this vintage 2022 is a long hypnotic track that hides under prog quirks a flashy new wave bliss – worthy ofThe Tower or Any Day Now . However, to have access to the pretty points, you have to accept the repetitions, the disharmonic details that waver. The group has fun and refuses the clean hit that they know how to write. “Cruel Britannia” espouses a gently Brit-pop disco-rock rhythm, but without a strong chorus, lost in the blasts of rockets taking off and questioning the procrastination of democracy and the love of others. “Hands face Space” also reconnects with the primordial synth-wave volutes, but the framework quickly branches off towards a catchy, but partly disappointing progressive psyche-folk.

The tone is introspective on several titles, that is to say that the music serves as an accompaniment to a (altered) awareness of the leader and following him is not easy. Fans of the group know it: “Cloudsurfer” will probably not survive its three polite listenings: inflated by the heavy sixties and the kraut layers, the composition does not necessarily know where to go, but it traces a psychedelic route. “Postcards from Home” is much more relevant, sad and melancholy, on a repetitive minimal-jazzy background.

The arrangements, fortunately, are a strength and many fans like to hunt down the details that dot the compositions. “Coronation Street” is one of those pieces that must be observed under an auditory microscope. The mischievous voice wanders through a shimmering landscape: yes, once again, we can think of trips linked to hallucinogens while listening to the Pink Dots… We also know that “Tripping on my Nightmares” will become an evening companion, once its saturated rise is integrated into our brain.

The voice reigns, demanding and always youthful; we particularly appreciate it for its richness on the tale “The Girl who got there first”, even if this title also lacks stability. Many samples show crowds applauding or shouting, as if the loneliness linked to confinement had to be warded off by music. “There be Monsters” thus metaphorically narrates the invasion of the virus in a village, a submersion that the group experienced live when it toured for its forty years of existence, reaching a new destination each evening subject to few days later to bans. In contrast, the lullaby accompanied by birdsong and played on the piano, “A Stretch beyond”, is a moment of calm;

The album according to Ka-Spel is conceived as an expiatory pyre in the face of human madness. “Nightingale” has this ceremonial dimension that we appreciate in the Dots: intimate and public at the same time, a ritual close to us and yet elevated. How many will soar once more?

Posted by: Sylvain Nicolino
Source: Obskure.com